C’est un moment irréel et historique que nous sommes en train de vivre et après presque deux mois d’isolement suite à la pandémie du Covid-19, je réalise que je n’ai pas du tout envie que tout redevienne comme avant !
En effet cette situation si particulière dans laquelle nous avons été cloisonnés fait réfléchir. Pour ma part j’ai traversé un océan d’émotions, changé d’état constamment et balayé plein de questionnements, pas vous ?
Je souhaiterais valoriser cette expérience comme moyen d’avancer sur notre chemin d’évolution personnel et collectif avec résilience. J’ose espérer après le déconfinement, constater de réels changements dans ce monde. Tout cela commence par soi. L’introvertie qui sommeille en moi a apprécié le voyage, il m’a permis de puiser au fond de moi-même, de me reconnecter à l’essentiel et de remettre en question ma façon de vivre. Malgré certaines épreuves, ce confinement me semble chargé d’enseignements.
Se réinventer pour continuer d’exister
La première semaine fut une phase de découverte mais aussi d’adaptation. Abasourdi face à l’improbabilité d’une telle situation, il a fallu le temps de réaliser, puis de se réaliser.
La plupart d’entre nous se sont sentis plein d’entrain, prêts à apprécier cette liberté retrouvée et imposée. Prêts à jouir des bonheurs simples de la vie en s’offrant du repos bien mérité, du temps pour cuisiner, se remettre au sport, au yoga et faire des choses rien que pour soi.
Puis très vite c’est la phase deux qui s’est mise en marche, celle gouvernée par la peur, le stress, l’anxiété. Cette peur du vide, de ne plus exister, a déclenché une forte activité sur les réseaux sociaux. Un partage qui certes permet de créer le lien nécessaire pour éviter l’isolement mais qui a aussi ces aspects négatifs et anxiogènes comme j’en parle dans « quand la vie devient un concours d’images instagrammables »
Malgré l’appel au ralentissement, je me suis sentie obligée de rester dans l’action. Poussée par l’esprit de productivité véhiculé par les médias et les réseaux sociaux, je me suis comme beaucoup réinventée pour continuer d’exister par le prisme de mes activités professionnelles et personnelles.
Il est intéressant de constater que dans une société où l’on existe à travers son étiquette sociale et sa profession, il est tout à coup fort déstabilisant pour certains de perdre cette position.
Ayant la sensation d’être privilégiée, je me suis sentie coupable d’avoir cette envie profonde de prendre cette pause. Par peur de ne pas en faire assez, de ne pas saisir les opportunités, ou de disparaître, mon système d’adaptation s’est actionné. Je me suis alors recréé une routine professionnelle et personnelle pour rester dans le moule que la société nous impose.
Je me demande alors pourquoi dans une situation si éloignée de la vie réelle on tend à reproduire nos modes de fonctionnements habituels. Finalement s’adapter ne serait-il pas d’accepter ce changement sans vouloir absolument maintenir sa vie d’avant.
La peur du vide
Hermétique malgré moi aux messages cosmiques, j’ai eu la sensation de m’imposer des choses par devoir. De ce fait j’ai laissé s’éveiller en moi une dualité oppressante entre le désir d’immobilité et celui d’être en activité. Le vide nous sort de notre mode de fonctionnement et de notre zone de confort. Il nous donne l’impression de ne plus être, car dans notre société pour exister il faut avoir une vie bien remplie. Au fond le vide est bénéfique car il nous confronte à nous-même et nous permet plus d’authenticité.
Malgré les tentatives de remplir coûte que coûte ce vide, j’ai constaté que les journées et les semaines se ressemblaient inlassablement. Il m’était impossible de dire clairement quel jour j’avais réalisé telle ou telle chose, et j’ai eu le sentiment culpabilisant de ne pas en réaliser assez, de ne pas profiter comme il se doit de tout ce temps offert sur un plateau doré.
Une nouvelle notion du temps
Avec tout ce temps disponible face à soi, par où commencer ? Avec une quantité de projets en tête, j’ai vu le temps me filer entre les mains. Presque deux mois écoulés avec la sensation de n’avoir rien fait. Comme si tout prenait plus de temps lorsqu’on en a à volonté. Par souci de rentabilité, pour ne pas rater mon confinement je me suis vu m’imposer beaucoup trop de choses autant personnelles que professionnelles.
En tenant compte des contraintes et de la réalité particulière du moment j’ai compris que même s’il était important de garder un rythme et de se fixer des objectifs pour ne pas sombrer dans la léthargie, il fallait rester modéré. Ne pas se laisser crouler sous les tâches, mais simplement maintenir un espace actif pour continuer de réaliser le temps qui passe.
Nous vivons dans une époque incertaine, sans savoir où va le monde dans ce désastre climatique, nous arrivons malgré tout à avancer, car la nature humaine est faite comme ça. On se sent peu concernés par les problématiques à long terme tant qu’elles ne nous touchent pas directement.
Cette situation de pandémie est particulière car elle nous met face à une incertitude concrète sur du court terme. En effet ne pas savoir quand cela finira est un paramètre déstabilisant. On vit sans savoir de quoi sera fait demain, mais on essaye quand même d’anticiper pour se rassurer par peur d’être dépourvu.
Au fond on a du mal à lâcher prise, à accepter de ne pas tout maitriser et surtout à accepter que le monde soit peut-être en train de changer. On souhaite maintenir notre confort rassurant, ne surtout rien perdre, simplement « traverser ce cauchemar » comme disent certain et enfin retrouver sa vie d’avant. On court après tout cela comme on court après le passé qui s’en va au lieu de vivre dans le présent.
Pourquoi a-t-on besoin de suivre cette course effrénée et sans fin ?
Pourquoi n’acceptons-nous pas naturellement de ralentir, de vivre plus simplement sans rechercher toujours plus?
Je crois que ce confinement aura eu cela de bon, celui de nous faire réaliser à quel point les choses simples peuvent être agréables lorsqu’on prend le temps. A quel point l’essentiel n’est pas dans la surconsommation de biens, d’activités mais bel et bien ici et maintenant, là dans notre rapport à soi, aux autres et au temps.
Liberté ou prison dorée
Beaucoup ont ressenti pendant ce confinement la sensation qu’on leur retirait leur liberté, celle de bouger sans attestation. La sensation qu’on les enfermait. J’ai pour ma part ressenti étrangement l’inverse. Pour commencer le fait d’être destitué d’un tas d’obligations m’a soulagée. Puis la possibilité de pouvoir me retirer chez moi dans mon cocon sans n’avoir aucun compte à rendre fut comme une retraite spirituelle, un voyage en lui-même.
Quel bienfait de calquer son rythme sur celui du soleil, de s’autoriser des moments de pause lorsqu’on en ressent le besoin, de manger lorsqu’on a faim, de s’offrir le sommeil nécessaire, de ne plus mettre de réveil et de s’éveiller tout simplement au moment présent.
Je me suis sentie libérée d’un tas de contraintes, pour me dégager du temps d’introspection. Pour moi la liberté n’est pas dans le nombre de choses que je peux faire ou le nombre de kilomètres que je peux parcourir mais bel et bien dans l’espace intérieur que je parviens à me libérer pour mieux m’écouter. Avoir plus de temps m’a permis d’y trouver plus d’espace. La seule prison qui existe est celle dans laquelle on s’enferme soi-même.
Un voyage spirituel
Il n’est pas nécessaire de partir à l’autre bout du monde, ou de s’enfermer dans un ashram pour vivre un voyage spirituel. Les réponses se trouvent la plupart du temps simplement dans le silence. Le tout est de savoir accepter le vide et le calme lorsqu’il s’offre à nous, comme un luxe.
Que l’on ait vécu ce confinement en solitaire, entre coloc, en couple ou en famille, juste le fait que le quotidien ait changé, que la course contre la montre se soit interrompue est une opportunité pour apprendre sur soi.
Ce temps de latence, de retour à une vie simple et bien plus proche des cycles naturels nous a peut-être permis de développer certain des concepts Yogiques comme Yama et Niyama (disciplines de vie et premières branches du yoga). Je pense notamment au concept de non-attachement, par l’acceptation du changement, de la modération, en vivant avec l’essentiel, de la pureté, dans l’invitation à prendre soin de soi, du contentement, dans la satisfaction du moment présent, de l’étude de soi, dans l’observation quotidienne, de l’autodiscipline, pour ne pas s’égarer, et enfin dans la dévotion en ayant d’autres choix que d’accepter et d’attendre avec patience.
Le yoga (ou autre pratique spirituelle) se révèle pour moi être un appui précieux dans ce cheminement, autant dans son aspect physique que philosophique. Je suis d’ailleurs ravie d’avoir constaté un engouement général pour cette pratique lors du confinement.
Vivre en vase clos
Finalement de mon point de vue, le plus difficile dans cette expérience ne fut pas de me sentir isolée. Il faut dire que les moyens de communications de notre époque ne le permettent pas trop, j’ai d’ailleurs plutôt ressenti l’envie de me déconnecter.
Comme l’impression de me sentir esclave des écrans alors que j’avais réussi à m’en défaire juste avant comme j’en témoigne dans cet article sur la detox digitale. Pour préserver ma santé mentale et physique, j’ai d’ailleurs établi durant ce confinement une journée hebdomadaire sans écran (Après cela pourquoi ne pas m’autoriser inversement une seule journée avec écran, lol, j’y pense sérieusement).
N’ayant pas été enfermée seule, la vie sociale ne m’a pas semblée moins riche, et oui, j’ai pu continuer à bavarder sans cesse comme j’aime le faire… Mes sorties ne m’ont pas non plus spécialement manquées (la bouffe est meilleure chez moi qu’au resto lorsque j’ai le temps ;-p).
Il est par contre juste de dire que la vie en vase clos a un impact psychologique, il faut en effet ruser d’ingéniosité et de communication pour rester sain d’esprit en milieu fermé face à ses démons et ceux de l’autre.
On peut parfois se sentir étouffé. La vie à plusieurs dans un espace restreint n’est effectivement pas toujours simple. Cela me rappelle quelque peu mon voyage en mer seule avec mon père, où je me suis découverte à travers l’image qu’il me renvoyait comme un miroir. Finalement ce genre de contexte est parfait pour travailler sur l’acceptation de l’autre et continuer ce travail sur soi dans la relation.
Il est vrai que parfois la sensation de manquer d’air peut être intense au sens figuré comme au propre. A ce sujet pour moi le coté le plus déprimant et anxiogène de cette expérience fut finalement le manque d’air. Sans jardin, en plein centre-ville, j’ai ressenti une difficulté à me connecter à la nature, à respirer pleinement. Même s’il faut le dire, j’ai apprécié plus que tout ma ville fantôme, calme et paisible, libérée de la pollution et des pots d’échappement, j’ai réalisé à quel point la vie loin de la nature n’a pas de sens (heureusement Botanic est resté ouvert ;-))
Peur d’un retour à l’anormal
Dans un monde qui va toujours trop vite, la vie nous offre une leçon : celle d’admettre que nous ne pouvons pas tout maitriser. Tout ceci n’est surement pas un hasard, et je pense que l’univers a sa façon de rééquilibrer les choses lorsque le monde devient fou.
Le fait de troquer ne serait-ce que pour quelques semaines notre mode de vie basé sur la production, la destruction et la consommation contre une philosophie de contemplation, de modération et de contentement nous a permis de réduire considérablement notre impact sur la planète. Pourquoi ne pas envisager de continuer sur cette lancée ? C’est peut-être le moment pour réellement repenser notre monde de demain, et non reprendre le même chemin vers un suicide certain.
Je rêve et c’est peut-être utopiste à un monde simple et modeste. Je ne veux plus d’un monde qui pille la planète pour créer des besoins inutiles, futiles et creuser les inégalités. L’isolement et la privation font généralement naître des prises de conscience. On a d’ailleurs pu voir naître de nombreuses initiatives solidaires et créatives. Ceci donne foi en nos capacités de se réinventer, d’accompagner un changement positif vers un monde plus humain. Alors espérons que chacun se rappelle que finalement l’essentiel est ailleurs. Je ne souhaite pas d’un retour à l’anormal et j’espère ne pas être la seule.
Peace & love
Liens intéressants et inspirants :
Livres:
« Se changer, pour changer le monde » Christophe André, Jon Bakat-Zinn, Pierre Rabhi et Matthieu Ricard tentent de trouver des réponses concrètes
« Vivre mieux sans croissance » de Pierre Rabhi et Juliette Duquesne
« Le pouvoir du moment présent » guide d’éveil spirituel Eckhart Tolle
« L’art de la simplicité » Dominique Loreau
Auteur : Anaïs Guyon
Enseignante de Yoga
J’accompagne les yogis sur leur chemin de transformation ✨ Cours en ligne ✨ Cours à Lyon ✨ Retraite de yoga
Merci Anaïs.
Je te rejoins totalement dans ces moments d’émerveillement que seul le confinement généralisé peut permettre et dans cette volonté de changer les modes de vie.
En revanche, étant en télétravail, je ne me reconnais pas du tout dans cette relation au temps.
En télétravail, la journée commence avec le réveil et c’est la course pour être à la hauteur de toutes les responsabilités et l’enchaînement de réunions et rendez-vous.
Ce sont des nausées causées par l’utilisation accrue des technologies de communication.
Donc, le seul temps « gagné » avec le confinement quand on est en télétravail, c’est le temps de trajet économisé.
C’est sur ce temps-là que je me dis : que peux-tu en faire ? Comment en faire quelque chose de bien ?
Ça représente allez une heure par jour. Ce sera une heure de promenade. Voilà, c’est tout.
Une heure par jour pour faire tout ce que je lis dans les médias et les articles témoignages ? yoga ? sport ? apprendre une chorégraphie ? apprendre une langue ?devenir un chef 3 étoiles ? visiter tous les musées du monde… ?
Avec une heure par jour de gagnée sur le trajet maison-travail évidemment que je ne suis devenue ni sinophone, ni plus ouverte à la culture et que j’ai toujours les fesses plates 🙁
Je ressens cette pression de faire tout cela parce que je suis intéressée par tout cela mais en télétravail c’est impossible !
Je me sens donc décalée désagréablement et sous pression d’absolument faire quelque chose de cette pauvre heure alors que c’est un combat quotidien pour la protéger. Et oui, le télétravail rend très poreuse la frontière avec la vie perso. Le travail s’inviterait bien 24 h dans une journée.
Alors, l’enjeu pour moi en télétravail c’est la résistance à l’envahisseur, ce n’est pas de savoir ce que je vais pouvoir faire de tout ce temps « offert sur un plateau d’argent ».
Donc, pour moi, ce confinement c’est aussi beaucoup la résistance à l’envahissement du télétravail et je ne parle même pas des mesures opportunistes de réduction de coûts que certains dirigeants veulent pérenniser en prenant l’excuse que ça marche aujourd’hui très bien comme ça alors qu’on sait tous que si ça marche c’est uniquement conjoncturel. Le confinement ne durera pas, le mode dégradé toléré du fait du contexte ne le sera plus en dehors de ce contexte.
Alors que je lis partout que confinement égal temps libre, pour moi, confinement égal combatssss ☺️
Merci Karine pour ce précieux partage, cette réflexion et ce retour d’expérience. Je partage dans cet article bien évidement ma propre expérience. Il est évident que par rapport au contexte actuel, la réalité est différente pour chacun de nous. Ceci dit, je comprends tout à fait ton point de vue.
Étant entrepreneuse j’ai continuée de travailler de chez moi avec la présence de mon compagnon, lui aussi en télétravail. On a dû en effet établir des règles pour que le travail ne vienne pas de manière trop intrusive envahir notre quotidien et notre vie privée. Nous avons du trouver notre équilibre dans tout cela. Je suis d’accord pour dire que c’est un combat au quotidien! Mais n’est-ce pas finalement ce qui nous rend plus fort ?
Je suis également totalement en accord avec cette nausée causée par le virtuel et les écrans dont tu parles. Contrairement à certain, nous avons de notre coté la chance je pense de pouvoir gérer notre temps de travail à notre convenance, ce qui nous a pas fait forcément gagner plus de temps mais nous a donné la liberté de l’utiliser à notre rythme en ne mettant plus de réveil le matin par exemple (nous ne sommes naturellement pas des lèves tard, mais se lever avant le soleil c’est trop tôt lol).
Bref je comprends totalement cette sensation oppressante. Je l’ai ressentie également comme je le dis au second degré en ayant l’impression de rater mon confinement lol. Finalement nos réflexions se rejoignent sur le fait que le temps est précieux et que cette course à la productivité que l’on s’inflige n’est pas de tout repos. J’aime cette phrase que mon père m’a souvent dit et sur laquelle je continues de travailler : « Être libre c’est savoir ne rien faire sans culpabiliser »
Bon déconfinement à toi 😉